samedi 18 janvier 2014

La fiancée du Vent




Là-bas, il y a longtemps. Dans un coin de la Comté qu’on nomme le Pays des Lacs. Il y avait une jeune fille. Une très belle.  Avec de grands yeux noirs. Et de longs cheveux sauvages. Une qui s’appelait Justine. Sur les petits sentiers qui serpentent dans les collines,  elle se promenait souvent à la tombée du soir. Elle fredonnait.  Un petit chant mélancolique. Une douce complainte qui se mélangeait à l’air du soir. La belle Justine avait un secret. Un bien étrange secret.
Là-bas, chez elle. Dans son village, dans sa famille. Personne ne le sait mais cette jeune fille est amoureuse. Oh ! Vous me direz c’est une chose qui arrive assez souvent. Pour une jeune fille être amoureuse c’est une bonne maladie.  Etre amoureuses pour les filles de vingt ans c’est dans l’ordre des choses. Ça leur donne de belles couleurs aux joues. Seulement voilà cette jeune fille est tombée en amour pour quelqu’un de très particulier. Quelqu’un d’insaisissable. Quelqu’un qu’on ne présente pas facilement à ses parents.  Justine est amoureuse du vent. Oui, le vent.  Elle l’aime.  Elle en est folle. On pourrait lui dire n’importe quoi, rire d’elle, la menacer de l’enfermer dans un asile ou un couvent ;  Justine ne changerait pas d’avis. Elle  n’écoute que son cœur. Et son cœur lui souffle un fol amour pour le vent.
 Etre amoureuse du vent n’est pas une situation facile à vivre, ce n’est pas le genre de fiancé que les autres jeunes filles vous envient. Le vent on se méfie de lui, le vent c’est le dieu des nomades, c’est lui qui les guide et les pousse sur les routes. Le vent n’a rien du gendre idéal.
Quand certaines nuits, couchée dans son lit, elle l’entendait chanter. Justine ne pouvait pas résister à cet appel ; elle se levait et courait s’offrir à lui. Elle sortait dans la campagne et dansait, pieds nus,  sous le clair de lune. Elle dansait en tourbillonnant.  Elle fermait les yeux et sentait son bien-aimé la prendre dans ses bras. Elle frissonnait.  Les noctambules qui la surprenaient durant ces moments là  racontaient ensuite que Justine était folle,  qu’elle avait du vent dans la tête. Quand on lui rapportait leurs paroles, la jeune fille ne pouvait s’empêcher de rire. Ce qui ne l’empêchait nullement de retourner danser avec son singulier fiancé.
Pour aimer le vent, il faut être aventureuse.
Justine était sans doute la plus jolie jeune fille du Pays des Lacs. La plus attirante. Mais de loin aussi la plus sauvage.  Il n’y avait rien d’étonnant à ce que les hommes lui tournent autour. Comme des mouches  au-dessus d’un vieux fromage. ! rien d’étonnant,  qu’ils soient des douzaines de célibataires à vouloir l’épouser. Justine n’avait que l’embarras du choix.  Des bons gars, des beaux garçons. Des fils de bonne famille. De riches héritiers. De jolis cœurs, deux ou trois veufs Et quelques coureurs de jupons. Mais elle n’en a pas voulu. Elle a dit non sans se lasser. Ces prétendants étaient bien trop balourds.  Ils n’y avaient rien de légers en eux, rien de fabuleux.
Oh ! bien sûr vous trouverez toujours ici ou là des vantards qui disent ne pas avoir peur du vent. Mais ce sont des menteurs. Quand le vent se fâche vraiment,  il leur glace les os, leur hérisse le poil et leur fait claquer des dents. Ce prince de l’invisible est presque aussi redouté que le Diable. Alors qu’une jeune fille puisse l’aimer cela dépassait l’entendement.  
Dans le Pays des Lacs, les gens ont finit par la détester.  À dire qu’elle était sorcière. Certaines femmes lui lançaient des pierres quand il la voyait danser dans les champs. L’existence de Justine devint encore plus solitaire. Les gens sont souvent méchants en face des êtres qu’ils ne comprennent pas.  Au bout du compte même ses parents ont finit par s’éloigner d’elle, à la mettre à la porte de leur maison. 
 Justine pleurait souvent. Déjà toute enfant, le vent venait la consoler. Sécher ses larmes, la couvrir de froid baisers. Les bises du vent.
Là-bas, on raconte qu’un jour de tempête, un soir de tourmente, Justine fut emportée, enlevée dans les airs. Kidnappée par un grand tourbillon.  On ne l’a jamais revue. Elle disparue dans nues. Et depuis tout ce temps, on murmure qu’elle vole dans les bras du vent.  Elle vole et elle rigole. Elle n’arrête pas de rire. Elle vole éternellement Justine est heureuse. Amoureuse. Joyeuse.
Là-bas dans le Pays des Lacs, où les gens raconte sa légende on la  surnommé «  la fiancée du vent ». Certaines nuits d’hiver elle vient donner le tournis aux girouettes des toits. Parfois elle  va  chuchoter  dans le trou de serrures des maisons.  Elle murmure des mots secrets qui font faire de beaux rêves aux enfants. Des songes merveilleux qui les emportent loin des  lourdeurs de la terre.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Superbe histoire , chapeau bas !
Dans mes écrits et mes poésies ,le Vent est omniprésent ...
D'ailleurs ,c'est souvent au gré des vents que me vient l'inspiration ...

le Féericologue a dit…

Très heureux que cette petite histoire vous plaise. Je comprends aisément que le Vent vous inspire, il fait vivre l'invisible.